Nous continuons notre balade, à pied pour l’instant, et traversons le pont tournant réalisé en 1950. Il n’est pas certain qu’Hemingway ait connu l’ancien pont car il fut inauguré en 1928 et détruit en 1944 par les allemands en retraite... Le passage entre les rives du Grau du Roi s’effectuait par des bacs...
Retraçons la suite de la vie d’Ernest Hemingway avant de parler du livre Le Jardin d’Eden où il évoque le Grau du Roi...
Marié avec Pauline Pfeiffer Hemingway rencontre lors d'une sortie en décembre 1936, dans le bar Sloopy Joe de Key West, Martha Gellhorn revenant d'Allemagne où elle effectuait des recherches pour son troisième livre.
En 1937, mandaté par la North American News Association pour couvrir les événements de la guerre civile espagnole, Hemingway s'installe à l'hôtel Florida de Madrid où il retrouve Martha Gellhorn, elle-même correspondante de guerre pour le Collier's Weekly, dont il tombe amoureux.
Martha Gellhorn devient sa troisième épouse en 1940. Mais, soucieuse de son « indépendance », elle le quitte quand, après qu'il a accepté de l'accompagner en Chine pour suivre la guerre sino-japonaise, il refuse de faire de même pour l'invasion de la France. Elle est la seule journaliste « femme » à poser le pied sur les plages normandes, le 6 juin 1944.
Après cette séparation, pour lui douloureuse, Hemingway épouse en 1945 Mary Welsh.
Cette union s'établit peu après la Seconde Guerre mondiale période pendant laquelle il est présent, à distance (sans être autorisé, contrairement à Martha, son épouse d'alors), le jour du débarquement en Normandie. Il assistera plus directement à la libération de Paris.
La légende raconte les diverses « libérations » d’Ernest Hemingway !
Notamment celle de la cave de l’hôtel le Grand Veneur à Rambouillet, puis celle du bar du Ritz à Paris...
La légende entoure aussi sa vie à Cuba, avec sa statue de bronze accoudée au bar du Floritida, bar situé rue Obispo à La Havane depuis 1817. C’est dans ce bar que le célèbre barman Constantino Ribalaigua Vert a inventé le Daiquiri...
Légende toujours avec un autre bar cubain : la Bodeguita del Medio.
Un bar fréquenté par de nombreuses célébrités dont Ernest Hemingway. Aujourd’hui encore, on peut lire sur les murs l’inscription manuscrite signée de son nom : « Mi mojito en la Bodeguita, my Daiquiri in El Floridita » (« Mon mojito à la Bodeguita, mon Daiquiri à El Floridita »). Mais voilà, le propriétaire Angel Martínez a lui-même affirmé en 2012, selon le journaliste Alberto Sanchez, que la fréquentation de l'établissement par l'auteur relevait de la légende urbaine. Par ailleurs, des biographes comme Philip Greene ont fait observer que l'aspect sucré du mojito le rendait peu compatible avec les préférences de l'auteur américain...
Dans un souci de vérification j’ai personnellement mené un gros travail d’enquête au cours des années et, à l’exception de la cave du Grand Veneur de Rambouillet, j’ai testé tous ces bars avec application...
Mais revenons à son passage au Grau du Roi et reprenons un extrait de l’article de Gil Lorfevre.
Nous sommes 22 ans après son 1er passage. Ernest Hemingway a maintenant 50 ans, sa femme Mary Welsh 41 ans.
« En décembre 1949, l’écrivain revient passer quelques jours de vacances au Grau-du-Roi. Le port de pêche a changé. Il s’est agrandi. De nouvelles constructions ont fleuri un peu partout le long du rivage. Et le Grand Hôtel Pommier a disparu.
Par conséquent, cette fois, c’est sur la rive gauche à l’hôtel Belle-Vue d’Angleterre, dans la chambre n° 22, que le romancier auréolé du succès de « Pour qui sonne le glas » s’installe avec sa quatrième épouse Mary Welsh. Il ne restera là que quelques jours. La légende raconte qu’Hemingway se serait inspiré de l’ambiance "Belle époque" de l’hôtel avec ses sièges et son grand comptoir, pour l’écriture de son livre « Le Jardin d’Éden », roman inachevé publié après sa mort. Roman dans lequel il mentionne également l’existence de l’hôtel Imperator à Nîmes qui aujourd’hui, arbore fièrement un bar au nom du célèbre écrivain. ».
Mais Hemingway, la corrida, Nîmes et l’Imperator nous vous en parlerons une prochaine fois...
Donnons plutôt quelques pistes sur ce fameux livre dont Le Grau du Roi fait partie...
Le Jardin d’Éden (titre original : The Garden of Eden) est le second roman posthume d'Ernest Hemingway commencé en 1946 et publié en 1986.
Le manuscrit du roman n'a pas été achevé avant la mort de l'écrivain. « L'éditeur s'est contenté de corrections mineures ; il a effectué quelques coupures (l'auteur en aurait sans doute fait davantage) mais rien n'a été ajouté au texte », explique Michel Mohrt dans la préface du livre.
Apprenant le succès de son second roman, David Bourne, jeune écrivain américain qui passe sa lune de miel sur la côte méditerranéenne, est impatient de se remettre à écrire. Jalouse de son travail, sa femme, Catherine, lui fait rencontrer une inconnue, Marita, et s'emploie à créer une étrange relation érotique qui les enferme dans le triangle d'un invivable huis clos. Jusqu'à quelle extrémité peut aller l'amour de l'autre, le désir de le connaître et de s'assimiler à lui ? L'art a-t-il tout à perdre ou tout à gagner de cette passion excessive ?
Ce livre fait partie des romans les moins connus d’Hemingway. Et pourtant ! Je l'ai lu, pour la première fois, en 1994 et, en l’ayant relu aujourd'hui, je me suis rendu compte que si j'avais bien souligné à l'époque les phrases clefs, ou celles qui me semblaient les plus intéressantes, j'étais passé à côté de beaucoup d’autres choses !…
L’histoire est assez simple. Nous sommes en France en 1946 ou 47, bref juste après la guerre qu’Hemingway a suivie comme correspondant de guerre. Le jeune écrivain David Bourne a rencontré, quelques semaines auparavant à Paris, une jeune femme qui s’appelle Catherine. Elle aussi est américaine et il l'épouse après dix jours. Ils partent vers le sud à Aigues-Mortes avant que de se fixer pour quelques jours au Grau-du Roi. Très vite il apparaît que Catherine a quelque chose qui ne va pas. Elle a des réactions parfois brutales pour des riens et semble tellement aimer son tout nouveau mari qu’elle veut à tout prix devenir lui, ou que lui devienne elle, c'est la question. Dans les gestes de l'amour, elle veut imposer que ce soit elle qui joue le rôle de l'homme ; elle ne se donne pas, c'est elle qui prend, même si David a quelques difficultés à s’y faire. Ils partiront pour Madrid, reviendront à Nice, puis se fixeront un temps à Cannes. Catherine semble avoir de plus en plus de problèmes. Son mal être grandit. Un jour, elle revient avec une superbe jeune fille qu'elle impose à David. Commence alors une histoire de couple à trois dans laquelle David se sent très mal. Tout le monde finira par se sentir mal. C’est dans ce climat que David va tenter de continuer d'écrire, alors qu’il vient de sortir, en Amérique, un second roman qui marche encore mieux que le premier ne l'avait fait. Mais sa femme ne l’y aidera pas !
Première question : David Bourne est-il Hemingway ? Indiscutablement ! J’ai été au Grau Du Roi et son passage là-bas m’a été confirmé par un vieux Monsieur qui m'a dit l'avoir vu, à cette époque, alors que lui-même était tout jeune. Il se souvenait très bien d’un Américain qui pêchait, nageait et buvait pas mal !…
Par contre, le séjour à Madrid à cette époque me paraît inventé par Hemingway puisque, suite à sa participation à la guerre d’Espagne du côté républicain, il y était interdit de séjour. Il n'y est retourné que vers 1956 et après.
Ce livre me semble être le plus psychologique de ceux écrits par Hemingway.
Au départ, le livre est véritablement rythmé par des déplacements, les nombreux apéritifs, les nuits mouvementées, la pêche et la nage en mer qui, elle, purifie tout.
Puis David Bourne se remet à écrire et chaque nouveau chapitre et nouvelle journée commenceront par les pages écrites. Cela aussi rythme le livre et ces lignes deviendront une véritable histoire à l'intérieur de la principale. Elles sont d’autant plus belles qu’il est en train d’écrire sa merveilleuse nouvelle « Histoire Africaine » dans laquelle le jeune David traque un vieil éléphant avec son père et un noir.
Il nous livre aussi sa conception de l'écriture en disant :
« Attention, s'était-il dit, bien sûr c’est très joli d’écrire de façon simple, et plus c’est simple mieux c'est. Mais ne te mets surtout pas à raisonner de façon simpliste, bon sang. Rends-toi compte à quel point tout est compliqué et ensuite exprime tout, simplement. »
C'est aussi, me semble-t-il, dans ce roman qu’Hemingway pousse la technique du non-dit le plus loin.
Ce livre a été publié à titre posthume et rien ne nous dit que l'auteur l’avait vraiment terminé. Ce n'est certainement pas son meilleur livre, loin de là, mais je lui ai quand même trouvé un certain intérêt...
Nous terminons notre balade par un tour de ville en Z. Nous passons devant le Café de Paris, fermé en cette saison, puis devant l’Hôtel Belle Vue d'Angleterre.
Nous continuons le quai Colbert, puis tournons à gauche avant la jetée et la statue « Hommage aux femmes de Camargue » cette statue de 2014 c’est l’Espérance face à la mer.
L’Espérance représente une femme, cheveux au vent, tenant par la main sa petite fille, le regard tourné vers le large, 3.60 m de haut, en bronze. Elle a été réalisée par l’artiste Ali Salem et financée grâce à l’apport financier de mécènes qui ont ainsi contribué à son acquisition.
Nous suivons maintenant le boulevard Maréchal Juin qui passe devant l’hôtel de la Plage, nous longeons la plage de la rive gauche avant de prendre une perpendiculaire et d’entrer en ville...
Nous revenons ensuite vers le centre-ville, passage obligé du pont tournant et direction La Grande Motte.
Nous avons mis quelques photos des paysages qu’a visités Ernest Hemingway mais nous n’y sommes pas allés aujourd’hui. Aigues Mortes qu’il aimait beaucoup, les Marais salants, la ville des Saintes Maries de la Mer en Camargue...
A l’entrée de La Grande Motte nous remarquons un joli panneau Michelin bizarrement placé...
Un dernier petit arrêt photos sur le parking ouest de La Grande Motte avant que le soleil ne se couche et retour sur Montpellier...
Fin de l’épisode et de cette balade littéraire !