Nous quittons le pont Chabert toujours sur la D35, longeant la Drevenne, direction nord, nous arrivons sur un portail, il est grand ouvert.
La route départementale RD35 est la seule route carrossable qui permet de rejoindre le secteur des gorges qu'il contourne, à partir des communes :
Nous avons l’impression d’être au bout du monde…
Toujours absolument personne, nous n’avons vu que 2 ou 3 voitures stationnées… Il faut dire que le site n'est desservi par aucune ligne de transport en commun au niveau local ou départemental et que la réputation de la route et du tunnel n’est pas attirante…
Nous nous engageons sur cette étroite route de plus en plus encaissée entre de hautes falaises…
La combe des Écouges, située sur le plateau, est suspendue au-dessus de la vallée de l'Isère. Elle en est séparée par le crêt urgonien des rochers de Paillet. Vers le sud, ce crêt se prolonge jusqu'au canyon des Écouges, qui le tranche net, puis se raccorde à la dalle urgonienne du flanc oriental de l'anticlinal des Coulmes.
Le dénivelé total, en tenant l'ensemble des cascades entre la falaise et l'entrée dans la vallée du Grésivaudan est estimé à 440 mètres...
« Si la Drevenne a décidé de s'évader du Vercors en éventrant la falaise, la route lui emboîte le pas, profitant de la gorge ébréchée. Flottant dans l'air au-dessus des paysages, elle regarde la plaine de l'Isère, à perte de vue...
Muraille de géant où le trait de la route oscille comme le fil du funambule.
Parler ici de vide est un pléonasme. Outre la magie des lieux, l'architecture de la route fait exception : ici, la pente a pu se calquer sur l'inclinaison des couches calcaires. Les constructeurs ont sculpté naturellement les lignes existantes. Le toit de la route apparaît comme une dalle lisse avec un angle droit du plus bel effet géométrique. Resté à l'état brut, le tunnel creusé dans le même joint offre des dalles similaires au plafond.».
Là encore, l'exploitation forestière des Coulmes et des Écouges fut le moteur de construction de cette route. Elle améliore l'accès fréquenté depuis les hommes du mésolithique, puis les moines chartreux des Écouges et les charbonniers italiens, qui cheminaient par des pas athlétiques.
Le projet de creusement de cette route sera à l'ordre du jour pendant tout le XIXème siècle, en raison des besoins en approvisionnement en bois pour la fonderie de canons de Saint Gervais.
Mais ce sont finalement les habitants de Rencurel et de Saint Gervais qui réunirent les moyens pour favoriser les échanges avec les marchés de la plaine.
En 1883 elle fut achevée, là encore par la société de Rencurel de l’entrepreneur Jean Serratrice.
Jean Serratrice était originaire de Luc-en-Diois (Drôme) et a participé, avec son frère, à presque tous les chantiers de routes réalisés dans la seconde moitié du XIXème siècle en Vercors.
C’est à cette entreprise que l’on doit également le tunnel du col de Rousset.
Mais, en raison de nombreuses chutes de pierres sur la voie descendante, très exposée par endroits, un tunnel a été creusé au sommet de cette route.
Sur près de 500 mètres de longueur, ce tunnel creusé dans le rocher vient doubler la section en encorbellement fermée depuis un éboulement survenu en 2008.
Le tunnel des Écouges est un ouvrage atypique puisqu’il mesure exactement 491 mètres de longueur, avec une circulation à double sens sur une voie étroite (deux garages sont aménagés pour permettre les croisements).
Il a été construit dans les années 1960. Ce tunnel taillé directement dans la roche est très étroit car, à l'origine, il ne servait que pour une voie de circulation, celle montante. La voie descendante se faisant par la route au desus du vide jusqu'aux éboulements et la decisions de la fermer en 2008.
Ce tunnel ne disposait d’aucun équipement électrique jusqu’en 2021 !
Même si le trafic y est faible (moins de 300 véhicules par jour), les usagers qui l’empruntent, en particulier les cycles, se retrouvaient plongés dans le noir complet.
Pour améliorer la sécurité dans le tunnel des Écouges et répondre aux contraintes réglementaires, le Département a mis en place un éclairage innovant sur détection de présence.
Ce dispositif d’éclairage a été conçu en partenariat avec le Centre d’Etudes des Tunnels et s’appuie sur la technologie LEDs, avec détection par caméras thermiques et capteurs Infrarouges. Le tunnel est éclairé uniquement sur détection de présence.
Ensuite, à chacune des entrées du tunnel, une caméra thermique permet de détecter qu’un usager entre dans le tunnel et de reconnaître s’il s’agit d’un cycliste ou d’un véhicule. L’information est ensuite traitée par un automate, qui allume l’éclairage à un niveau variable en fonction de la catégorie d’usager détecté. L’éclairage est notamment renforcé lors de la présence de cycles dans le tunnel. Le dispositif de détection est complété par 4 capteurs infra-rouges positionnés dans le tunnel.
Par ailleurs, des panneaux à message variable sont également installés à chacune des entrées du tunnel pour avertir les usagers en cas d’automobiliste en sens inverse ou pour inciter à la prudence lorsqu’un cycliste emprunte l’ouvrage.
Ce dispositif d’éclairage innovant permet d’assurer une bonne visibilité des cyclistes tout en optimisant la consommation énergétique.
Le dispositif a l’air efficace car tout était éteint à notre arrivée, puis le tunnel s’est éclairé à notre passage. De même au retour un panneau lumineux nous a informés qu’il fallait attendre car le tunnel était « occupé », ce qui s’est avéré exact…
Après plusieurs interventions d'urgences ponctuelles, le Département a engagé depuis 2016, une importante campagne pluriannuelle de sécurisation du canyon des Écouges, sur la RD 35, entre Rencurel et Saint Gervais, route exposée à des risques naturels.
Lors des travaux réalisés à l’automne 2021, la section en encorbellement fermée depuis l’éboulement de 2008 a pu être nettoyée, ce qui va permettre au Département de lancer les études pour étudier les conditions de sa réouverture…
L’objectif est de définir le futur programme de travaux à réaliser, lesquels ne pourront cependant intervenir qu’une fois la sécurisation de la falaise achevée.
Mais nous avons trouvé que le nettoyage de la section abandonnée a besoin d’être refait ! Voir nos photos…
Par contre huit saisons de travaux ont d’ores et déjà permis de sécuriser la zone de la route en traitant les blocs instables les plus volumineux par purges, minages, confortements et pose de cinq lignes d’écrans pare-blocs.
Actuellement la sécurisation de la route des Écouges est toujours en cours…
D’ailleurs nous avons patienté une douzaine de minutes à l’aller puis au retour sur la D35 pendant ces travaux de sécurisation.
Pour l’instant nous profitons du fait d’être seuls pour faire quelques photos…
Nous apercevons au loin, en bas, le village de Saint Gervais.
Puis nous empruntons le tunnel… Il est certes éclairé mais pas large !
Une superbe expérience…
Une fois sortis nous stationnons pour aller voir de plus près la portion de route en encorbellement aujourd’hui fermée…
La vue est grandiose, y passer en voiture doit être exceptionnel, dans le style des passages que nous avons emprunté route de Presles ou route des gorges du Nan, pour rester dans nos épisodes précédents…
Mais nous entendons le bruit caractéristique de chutes de pierres… Et à voir les grillages de protection les pierres peuvent tomber très près de nous…
Aussi nous ne nous attardons pas trop, quelques photos et nous commençons la descente vers Saint Gervais…
Fin de l’épisode 17 !