Nous avons pris la D38 pour gagner les Saintes-Maries-de-la-Mer, avant d’y entrer nous tournons à droite, nous voulons voir plusieurs choses : le site de l’embarcadère du Tiki III, le tombeau de Folco de Baroncelli, et les restes du Südwall…
Mais dans le virage une statue grandeur nature d’un taureau est installée et elle nous intrigue…
Au départ une statue bien mystérieuse car il n’y aucune explication sur le site !
De toute évidence il s’agit d’un taureau de combat pour la corrida ! Ce que l’on appelle ici un « taureau espagnol »…
Pourquoi ici en terre camarguaise où il y a certes quelques élevages de ce type de taureaux, et quelques corridas dans les arènes des Saintes-Maries-de-la-Mer mais peu nombreuses, donc pourquoi cette statue à cet endroit… ?
L’office du tourisme joint par téléphone nous a donné quelques explications. A l’origine cette statue réalisée par Ben K, un sculpteur de la région, était placée devant les arènes des Saintes. Suite à un acte de vandalisme, cornes arrachées, et à la pose devant ces mêmes arènes d’une autre statue de taureau, celle de Vovo, taureau de Camargue starifié, nous y reviendrons dans le prochain épisode, la statue « El Toro » a été réparée puis posée à cet endroit… A priori provisoirement, ou bien c’est le socle qui n’a pas encore été réalisé…
Si le taureau n’est pas Camarguais, la statue est jolie, nous en profitons pour une originale séance de photos…
Nous contournons la statue pour prendre le chemin du clos du Rhône, dont le revêtement goudronné s’arrête et une bonne piste nous amène sur la place devant l’embarcadère du Tiki III.
Nous passons devant le tombeau de Folco de Baroncelli, puis des bunkers datant de la seconde guerre mondiale… Nous allons y revenir, mais tout d’abord quelques mots sur Tiki III.
C’est une des attractions touristique des Saintes. Il s’agit du nom d’un bateau à roue qui effectue des « croisières » d’une heure et demi, partant de son embarcadère, remontant jusqu’au bac du Sauvage et faisant un demi-tour pour revenir à son point de départ.
J’ai cru comprendre qu’un arrêt avait lieu à mi-parcours pour la présentation d’une manade de chevaux et de taureaux accompagnés d’une gardiane…
« C'est en 1962 qu'il commence à naviguer sur le petit Rhône. Son créateur était un communicant avant l'heure. Grâce à des publicités dans les wagons SNCF, il réussit à faire connaître son activité jusqu'en Allemagne. Certains touristes étrangers en parlent encore.
En 1995, l'activité est reprise par Isabelle Villevieille et son père. Le bateau à roue est reproduit dans un atelier à Marseille, dans une version plus longue mais tout aussi vintage. Depuis, Isabelle continue de développer le Tiki III… ».
Nous ne verrons pas grand-chose car le site est fermé jusqu’aux beaux jours… Seuls quelques pécheurs sont installés…
Quelques photos de Z dans ce paysage de Camargue et nous reprenons le chemin, chemin qui longe plusieurs bunkers…
Pendant la seconde guerre mondiale, après l’envahissement de la zone libre, l’armée allemande a décidé de fortifier les rives de la méditerranée pour faire face à un éventuel débarquement des alliés, notamment en Camargue.
Donc après la destruction des mas et maisons qui gênaient leurs travaux, la visibilité et les lignes de tirs, furent construites quantité d’installations… Qui ne servirent jamais… Le débarquement ayant eu lieu en Provence…
Donc les installations servaient à la défense à la fois de l'embouchure du Rhône et contre un débarquement sur la plage. Les constructions proches de la mer ont été « avalées » par la mer, notamment la casemate H680 qui fut longtemps « intégrée » dans la plage ouest avant sa déconstruction vers 2010, une fois complétement sous l’eau. Par contre, celles plus à l’intérieur des terres sont restées. Quelques-unes en piteux état car elles ont été démolies à l’explosif par les allemands en 1944 de peur que les alliés ne les utilisent…
Le site est clôturé mais on peut distinguer le long du canal des Launes quelques constructions, des tobrouks et des casemates dont une casemate antichar probablement équipée d’un 5-cm Panzerabwehrkanone 38, avec, sur l’arrière, les soutes à munitions…
Vue d’avion on distingue encore les emplacements…
Nous arrivons maintenant devant le tombeau de Folco de Baroncelli.
C’est une des personnalités extraordinaires de la Camargue…
Disciple de Frédéric Mistral et majoral du Félibrige, il est considéré comme l'« inventeur » de la Camargue. Il en a exploité des traditions avérées et en a instauré de nouvelles en s'inspirant du Wild West Show de Buffalo Bill lors de son passage dans le Midi…
Il vécut de 1869 à 1943.
Le site de son tombeau est lié à un épisode de sa vie. En 1930 il est obligé de quitter le mas de l'Amarée où il résidait en tant que locataire… Problèmes financiers…
« Les Saintois se cotisent alors et lui offrent un terrain sur lequel il construit une réplique du mas de l'Amarée, le mas du Simbèu (littéralement « signe », « enseigne », « point de mire », nom donné au vieux taureau, chef du troupeau).
Le 1er octobre 1931 à minuit, il quitte l’Amarée pour le Simbèu. Le nouvel édifice reprend la disposition des lieux de son modèle.
En février 1935, il tombe gravement malade puis est très affecté par le décès de son épouse, survenu le 8 août 1936. En 1938, à nouveau gravement malade, il est transporté d’urgence au centre médical de Nîmes. Et à la veille de la guerre, en février 1939, c’est la fin de sa manade. En 1940, il proteste auprès de Daladier après des manœuvres de tirs d'avions dans le Vaccarès…
La guerre 1939-1945 lui sera en quelque sorte fatale. Lors de leur arrivée en zone libre en 1942, les Allemands s'installent, dès le 16 novembre 1942, dans son mas du Simbèu, réquisitionné en janvier 1943. Finalement, le 17 février, le marquis de Baroncelli en est expulsé et s’installe dans le village même des Saintes, chez sa fille, dans l'ancienne maison d'Herman-Paul. Au bout de quelques mois, souffrant des suites d'un coup de pied de cheval, il va vivre dans l'hôtel de la famille Aubanel à Avignon. Affaibli par la maladie et terriblement attristé, il y reçoit l’extrême onction et meurt le 15 décembre, peu avant 13 heures...
Son tombeau est devant nous, sur l'emplacement de son mas Lou Simbèu.
Son mas Lou Simbèu est détruit à l'explosif en 1944 par les troupes allemandes lorsqu'elles quittent la région. Il n'aura duré que 13 ans.
Le 21 juillet 1951, les cendres du « Marqués » sont transférées dans un tombeau à l’endroit même où se trouvait le mas du Simbèu mais son cœur est placé dans la chapelle de ses ancêtres…
Lors de ce transfert, alors que le convoi funèbre longe les prés, les taureaux de son ancienne manade se regroupent et suivent lentement le cortège, comme accompagnant leur maître une dernière fois. Ainsi, selon sa volonté — « lorsque je serai mort, quand le temps sera venu, amenez mon corps dans la terre du Simbèu, ma tête posée au foyer de ma vie, mon corps tourné vers l'église des Saintes, c'est ici que je veux dormir ».
Le marquis repose donc sur les lieux de son dernier mas. Dans son livre de souvenirs En Camargue avec Baroncelli, René Baranger décrit ainsi le mausolée : « C'est une dalle de pierre claire, reposant sur un support de trois marches circulaires ». Les pierres en seraient celles de son mas démoli…
Nous reprenons la route pour quelques centaines de mètres et allons faire un tour sur la plage…
Fin de l’épisode…