Voici racontées ces pages d’histoire…
Itinéraire et légendes de l’épisode 3 sur 4 : Le Dramont (une des plages du débarquement de Provence le 15 août 1944) - Anthéor et son viaduc, une autre plage du débarquement
Le 15 Août 1944, 350 000 soldats alliés dont plus de 260 000 français débarquent sur le littoral varois, pour prendre en tenaille les allemands entre 2 fronts : Normandie et Provence.
La plage du Dramont, Anthéor et son viaduc, la calanque des Deux-Frères à Théoule-sur-Mer font partie des objectifs prioritaires…
Toujours sur la Corniche d’Or nous arrivons au niveau de la plage du Dramont. Juste sur notre droite, à quelques pas de la mer, sur le site même de l’action, un vaste espace mémoriel présente les événements qui ont eu lieu le 15 août 1944. Voici un résumé…
« Entre la Pointe de la Baumette et le Lion de Terre de Saint-Raphaël, l'éperon rocheux du Dramont domine la mer. Les allemands ont installé un excellent poste d’observation sur la colline du sémaphore et de nombreuses armes de tout calibre… L'organisation Todt en a fait un puissant ensemble de fortifications. De nos jours encore, le promeneur y visite des abris à contre-pente, des emplacements de pièces d'artillerie, des tranchées. Ces vestiges donnent l'impression d'un dispositif bien étudié. Cette potentialité de défense n'échappe pas à l'E.M. allié qui fait du Dramont le pivot de la zone de débarquement de la 36e Division d'infanterie US. Priorité absolue neutraliser cette zone par le feu.
À l'aube, cuirassés, croiseurs, destroyers de la flotte concentrent les tirs de leur artillerie lourde sur les défenses allemandes du Dramont. C'est un déluge d'acier que des vagues de bombardiers vont entretenir.
La population civile s'effraie des bombardements aériens qui, dès le 11 août, coupent les liaisons route et voie ferrée au Dramont. Elle trouve refuge dans le vaste abri creusé dans la carrière de porphyre diorique du Dramont. Réquisitionnés par l'organisation Todt, des ouvriers indochinois l'ont réalisé. Concassée, cette pierre dure et résistante est utilisée pour le bétonnage des ouvrages défensifs échelonnés le long de la côte.
Il faut aussi noter que ces carrières en activité depuis longtemps avaient produit quantité de déchets, des pierres inutilisables qui étaient jetées à la mer. Ces pierres devenant les galets présents sur la plage. Les allemands rencontrèrent des difficultés pour poser des mines sur ce sol de galets, les mouvements de ces lourds galets déclenchant l’explosion des mines…
Le travail de démolition par l'artillerie navale et l'aviation a été bien fait. Deux bataillons d'assaut, le 2e et le 3e du 141e Régiment d'infanterie US débarquent sur la plage de galets du Dramont sans rencontrer d'opposition; des éléments légers allemands sont immédiatement neutralisés. 7 chars amphibies DD accompagnent les unités à terre; ils appartiennent au 753e Bataillon. Un canon de 75 automoteur ennemi leur occasionne des dégâts et détruit l'un d'eux en mer.
Dans le LCT 625, un britannique est mortellement atteint. Il s'appelle Evans. Il est le seul soldat allié tué au moment précis du débarquement au Dramont.
Se frayant avec difficulté un chemin à travers les blocs de rochers et les obstacles du génie allemand, les 6 chars lourds Sherman gravissent la pente qui les amène sur la route Agay-Saint-Raphaël. Ils entrent en action à Boulouris où la bagarre est sérieuse.
Pendant ce temps, le 2e Bataillon du 141e Régiment d'infanterie US nettoie les abords de la plage, grimpe jusqu'au sémaphore du Dramont, cueille quelques prisonniers allemands ahuris et se dirige vers Agay pour s'engager dans la vallée menant aux premières collines de l'Estérel.
Le major-général John E. Dahlquist, commandant la 36e Division d'infanterie US, installe son P.C. sur la plage. De là, il dirige les manœuvres qui conduisent à la prise de Saint-Raphaël et de Fréjus.
Les unités du 142e Régiment d'infanterie US débarquent à leur tour et viennent renforcer le dispositif.
La DCA alliée tire sur des bombardiers JU 88 et Dornier. L'aviation allemande attaque "Camel Green"[...] et fait des dégâts dans l'amoncellement de matériel, de munitions et les alignements serrés des véhicules débarqués. Elle occasionne la perte de 5 fantassins américains et le naufrage d'un LST sur les rochers rouges du Dramont.
Ce sera la dernière réaction allemande dans le secteur, les américains commencent leur progression… ».
Nous avons retrouvé quelques photos de cette époque, le site est facilement reconnaissable avec l’île d’Or et sa tour de fantaisie réalisée dans les années 1900. C’est une île privée dont la silhouette inspira l’île Noire des aventures de Tintin réalisées par Hergé…
Nous repartons et nous voici à Anthéor, et son immense viaduc ferroviaire.
Le viaduc est l’emblème du quartier d’Anthéor.
Cet ouvrage ferroviaire est une conséquence du rattachement du Comté de Nice à la France en 1860. L’opération devant être concrétisée au plus vite par un symbole fort, Napoléon III prolongea jusqu’à Nice la voie ferrée de Paris à Lyon et Marseille, dont le terminus était alors Les Arcs en Provence.
La traversée du massif de l’Estérel posa des problèmes très importants : franchissement de ravins, creusement de tranchées et percement de tunnels dans la montagne, construction de ponts, etc.
Le franchissement du ravin (ou vallon) d’Antéore, comme on l’écrivait à l’époque, fut résolu par la construction d’un ouvrage d’art monumental.
200 hommes se relayèrent jour et nuit toutes les 3 heures durant les 2 ans de la construction, de 1860 à 1862.
Le viaduc se compose de 8 piles soutenant 9 arches de 10 mètres d’ouverture. Il mesure 173 mètres de long. Chaque pile a une masse de 1350 tonnes. La voie ferrée est à 25 mètres au-dessus du sol.
Édifié en courbe, le viaduc subit des contraintes importantes sous l’effet de la force centrifuge. C’est pourquoi des tirants transversaux ont été posés en 1936 pour maintenir la rigidité du tablier. On peut toujours les voir au-dessus des piliers et des voûtes.
La vitesse des trains est limitée à 90 km/h.
Mais voilà, ce paisible viaduc et la crique à ses pieds furent partie prenante du débarquement de Provence…
Il fut la cible de 12 bombardements !
Le viaduc d’Anthéor fut considéré dès 1943 par les Alliés comme un objectif stratégique pour couper la seule voie de communication ferroviaire entre le sud de la France et l’Italie du nord. Il y transitait jusqu’à 15 000 tonnes par jour pour alimenter les armées nazies.
L’objectif se révéla très difficile à atteindre : dès septembre 1943 la Royal Air Force Britannique envoie les « Dambusters », célèbre escadron qui s’était illustré par ses bombardements de précision des barrages de la Ruhr, un second bombardement par l’aviation américaine a lieu quelques jours plus tard ; puis les bombardements alliés s’enchaînent sans discontinuer jusqu’en juin 1944. Mais ils ne provoquent que des dégâts mineurs vite réparés, car les occupants ont installé dans les environs de nombreuses batteries de canons anti-aériens (flak), gênant la frappe aérienne d’une cible aussi étroite.
Il faut attendre le 15 août 1944 et la préparation du Débarquement de Provence pour que 3 vagues de bombardiers américains et le destroyer USS Brooklyn détruisent deux piliers, rendant le viaduc impraticable.
Près de 500 projectiles lourds ont été largués par les vagues de bombardiers et le croiseur USS Brooklyn tira plus de 450 obus de 152mm à Haute Charge Explosive en 1 heure, quasiment à l'arrêt et avec une grande précision guidée par l'aviation légère ayant décollé depuis certains bateaux aménagés en porte-avions.
On suppose que les chambres de mines aménagées à la base des deux piles Est (prévues par le Génie Militaire Français lors de la construction du viaduc en 1862) étaient chargées et qu'elles furent touchées par des coups directs, provoquant l'effondrement vertical qui fit longtemps penser à un dynamitage.
Enfin les tirs de 2000 roquettes criblent la plage et ses abords avant l’assaut sur la plage.
Il est difficile d’imaginer que cette crique fut aussi une plage de débarquement. Car cette plage, nom de code Camel Blue Beach, avait un rôle stratégique, devant bloquer tout renfort venant des Alpes-Maritimes. Y déferlèrent les 860 hommes du 1er Bataillon du 141ème Régiment de la 36ème Division d’Infanterie Américaine dite « Texas ».
Les deux premières vagues d’assaut mettent pied à terre assez facilement. Puis les forces d’occupation russo-polonaises (OST 661) se reprennent et font feu sur les assaillants : mitrailleuses et canons se déchaînent. Deux barges sont coulées, heureusement après avoir débarqué leurs soldats. Une autre ne peut repartir de la plage. Le bateau de commandement, touché, est obligé de regagner le large. À 10h la plage est déclarée conquise.
Le bataillon fait ensuite mouvement vers Agay avant de revenir, plus lourdement armé, pour progresser jusqu’à Théoule-sur-Mer, atteint seulement le 16 août, en raison de l’âpreté de la résistance des troupes d’occupation. 1 200 occupants sont faits prisonniers.
Une plaque apposée sur le viaduc rappelle ce fait d’armes…
Nous reprenons la route et continuons la Corniche d’Or…
Fin de l’épisode 3 sur 4 !