Nous poursuivons notre parcours sur la route en allant vers le sud, la route descend un peu.
Tout au long de celle-ci on peut voir les traces laissées par les explosifs utilisés lors de la construction.
Le tracé des routes a souvent une base très ancienne, voies romaines, chemin du moyen-âge…
Si le trafic n’était pas important ces « routes » évoluaient en sentier muletier, c’était ce qui existait ici pour passer le Pas de l’Escalette…
Aussi vers 1861 il fut décidé de construire une véritable route. Un marché public fut signé avec un entrepreneur de travaux publics locaux, André Mialane, de Lunas.
Il devait construire les 11 kilomètres de la Route Impériale n°9, entre Pégairolles et le Caylar.
Il commença en 1864 ce travail assez titanesque, mais l’entrepreneur fut obligé de stopper les travaux en 1865 car il ne s’en sortait pas financièrement. Aussi il demanda résiliation du marché…
Mais le 5 février 1866 suite à une décision ministérielle la reprise du chantier lui est accordée…
Et étonnamment « il espère pouvoir livrer la route entière à la circulation dès le printemps prochain… La dépense totale de cette grande entreprise ne dépassera pas les prévisions. ».
Comment a-t-il pu réaliser ce miracle ?
En effet, André Mialane fut un des premiers français à se servir de la dynamite toute récemment inventée par Alfred Nobel.
Auparavant on utilisait la poudre noire pour tailler les routes dans la roche.
André Mialane, en entrepreneur malin, avait basé ses calculs initiaux sur l’utilisation de la nitroglycérine, qu’il fabriquait semble-t-il…
Mais l’interdiction d’utilisation de la nitroglycérine arrivant, car trop instable et dangereuse, cela changea ses coûts de travaux… D’où son retrait du projet…
Mais voilà qu’un chimiste suédois de 33 ans, Alfred Nobel, invente un procédé pour stabiliser la nitroglycérine !
André Mialane saisit rapidement les avantages qu’il pouvait tirer de l’invention d’Alfred Nobel pour ses chantiers...
Il se mit donc à fabriquer de la dynamite qu’il utilisa pour pulvériser la roche et ouvrir le passage pour la route…
« André Mialane fera fortune grâce à cette découverte. Aux côtés de Nobel et d’associés, on le retrouve administrateur de la société générale pour la fabrication de la dynamite, créée en juin 1875. En 1880, il investit également dans la société dynamite Nobel (qui regroupe les fabriques de Suisse et d’Italie) dont il devient aussi l’administrateur. ».
Je ne connais pas la dynamite mais pour le plastic, que l’on peut poser directement sur le rocher il faut compter en charge par m3 de roche : 400 à 500 grammes.
On imagine les tonnes d’explosif qui furent nécessaires pour créer cette route…
Nous continuons la route, et passons devant un imposant mur d’escalade. Il faut dire que le spot des falaises de l’Escalette est assez pratiqué…
La route descend toujours tout doucement, la végétation traverse le revêtement…
Par endroit le bas-côté est tombé dans le ravin… Les barrières de sécurité déplacées pour éviter que l’on s’approche trop du bord instable…
Puis le goudron disparait complétement lorsque nous arrivons au niveau de la sortie du tunnel de l’Escalette.
Un grillage empêche d’aller plus loin. De toute façon il n’y a plus de route visible. Elle a été transformée en A 75…
Nous avons également une jolie vie sur le radar un peu piégeux de la sortie du tunnel…
Nous faisons demi-tour pour regagner le Pas de l’Escalette.
Sur la route nous apercevons un bel insecte…
« L’Éphippigère des vignes, Ephippiger ephippiger, est une espèce d'insectes orthoptères de la famille des Tettigoniidae.
On l'appelle aussi porte-selle, porte-hotte, tizi, jeudi, pantigue, boudrague ou patangane » (terme catalan), employée dans les Pyrénées-Orientales…
Cette sauterelle se nourrit de végétaux : feuilles de vigne, ronces, pissenlits… et aussi d'insectes. Comme les vignes sont très souvent traitées par divers produits phytosanitaires, elle est sérieusement menacée dans ce type d'habitat. Le retour récent à des pratiques plus naturelles (cultures biologiques) pourrait lui venir en aide…
Outre son physique caractéristique, l’Ephippigère des vignes a un chant très rapidement identifiable. Court et strident, son chant en deux temps s’entend de jour comme de nuit lors de la période estivale, d'où les onomatopées « tizi » ou « jeudi » du Midi de la France.
La sauterelle produit ce son, en frottant ses courtes ailes l’une contre l’autre. Contrairement à d’autres espèces, la femelle est capable de chanter pour répondre au mâle.
L’exemplaire que nous voyons est un male car la femelle est presque entièrement verte, un vert presque fluo…
Il devait mesurer 4 à 5 centimètres mais sur les photos c’est impressionnant !
Un peu plus loin nous remarquons sur le côté de la route des « trous », il s’agit de poches de cristaux de calcite.
La calcite est un minéral composé de carbonate naturel de calcium, qui offre une variété infinie d'apparences. Ses cristaux sont de formes si différentes qu'ils sont convoités par de nombreux collectionneurs.
À l'origine, Pline l'Ancien nomma un minéral "Calx", latin pour Calcaire. Bien plus tard au XIXème siècle, Calx devint l'allemand "Calcit", puis finalement la calcite, ce qui signifie calcaire.
Il s'agit d’un des minéraux les plus répandus, les plus exploités et c'est certainement le plus diversifié. On le trouve sur tous les continents, sous sa forme cristalline, seule ou en association avec d'autres roches et minéraux ou en tant que gangue minérale. C'est l'un des composants principaux des marbres et des roches calcaires.
Donc il semble que ce que nous voyons soit des « poches de dissolution avec recristallisation de la calcite »...
Nous continuons à remonter la route, très belle vue sur la vallée de la Lergue.
Nous approchons du panneau indiquant le col…
Le paysage ne semble pas avoir changé depuis longtemps à voir les vieilles photos ou cartes postales.
Des renforts ont été installés pour soutenir la route dans le virage… Ils ne figurent pas sur les cartes postales d’avant les années 1970…
Nous voici au panneau « Pas de l’Escalette », un dernier coup d’œil et nous terminons l’ «exploration» de ce site incitant à la mélancolie…
Il est incroyable de voir comment en seulement 30 ans la nature a déjà bien commencé à faire disparaitre ce bout de route…
Nous regagnons Z pour continuer notre balade, directions les cirques !
Fin de cet épisode 3 sur 6