Donc départ par l’autoroute A9, notre programme est chargé donc nous voulons gagner un peu de temps. Mais rouler décapoté avec du vent ce n’est pas le top et sur l’autoroute pleine de camions ça l’est encore moins…
Nous faisons une petite pause pour nous réchauffer sur l’aire Narbonne Vinassan nord et nous sommes intrigués par un panneau indicateur qui donne des directions et des kilométrages. Jusqu’à présent rien d’extraordinaire, mais lorsque l’on regarde les villes choisies c’est plus étonnant… Nous avons remarqué que le même genre de panneau se trouve sur une aire d’autoroute de l’A 10… Pourquoi ? Le mystère reste entier pour le moment…
Nous repartons pour quelques kilomètres et nous sortons de l’autoroute en prenant la sortie 40. Nous suivons la D 900 jusqu’au Boulou où nous bifurquons sur la D 115.
L’idée est de traverser Amélie les Bains car nous voulons voir le viaduc.
Il franchit le Tech. C’est un beau pont vouté en maçonnerie, sa construction a débuté en 1890 et il fut terminé en 1892. Mais à l’origine c’était un pont ferroviaire !
Transformé en pont routier mais sans élargissement d’où le dispositif de feux rouges aux extrémités.
Le petit aller-retour sur le pont effectué nous avons rejoint la D 53, détaillée dans le 1er épisode.
De retour de la D53 nous reprenons la D 115 pour aller jusqu’à l’embranchement avec la D 3 qui va nous amener jusqu’au col de Coustouges puis à la frontière espagnole…
Le vent ne faiblit pas mais la route est jolie…
La-Forge-del-Mitg est un hameau de St Laurent de Cerdans, qui est plus haut dans la vallée. Nous allons y passer. C'est un endroit au sortir d'une vallée, sur un terrain relativement plat propice à l'agriculture. D'ailleurs, dans ce petit lieu de vie d'approximativement une cinquantaine de maisons c'est la seule activité économique. Les champs alentours sont régulièrement fauchés pour faire des balles de foin utilisées ensuite comme nourriture pour les bovins.
Nous nous sommes éloignés de la D 3 pour visiter un peu mais nous sommes vite (presque) bloqués par un arbre tombé sur la route, heureusement quelqu’un l’a tronçonné pour permettre le passage, il est d’ailleurs sur le bas-côté en train de ranger ses outils… Jusqu’à présent ce n’était que des petites branches plus ou moins grosses qui jonchaient la chaussée, mais là ça se complique… Donc pour éviter de prendre quelque chose sur la tête nous regagnons sagement la D 3…
3 km après nous arrivons au village suivant.
Saint-Laurent-de-Cerdans est une petite commune rurale qui comptait 1 036 habitants en 2020, après avoir connu un pic de population de 3 023 habitants en 1906. Ses habitants sont appelés les Laurentins ou Laurentines.
Un embranchement de la ligne de train d'Arles-sur-Tech à Prats-de-Mollo montait depuis 1913 jusqu'à Saint-Laurent-de-Cerdans. Bien que la ligne ait été fermée en 1937, la gare existe toujours. La voie du train a depuis été remplacée par la route. La D 3 y passe devant et un parking en fait presque le tour.
Mais le point le plus étonnant est lié à la proximité du village avec l’Espagne.
En effet, aux XVIIème et XVIIIème siècles, la situation frontalière du village en fait une zone d'échanges… Illégaux !
C'est grâce à la contrebande que vont se développer les industries de l'espadrille et du tissu, industries qui fleurirent jusqu'en 1950.
Nous passons devant l’usine Les Toiles du Soleil
Tissés sur des métiers anciens, les textiles catalans des Toiles du Soleil se vendent jusque dans les boutiques de luxe de Tokyo !
«Depuis la fin du XIXème siècle, la dernière manufacture textile du village de Saint Laurent de Cerdans perdure et se réinvente. Le tissage des toiles catalanes, fierté du Haut Vallespir, n’a de cesse de proposer des créations toujours plus originales et modernes.
Un savoir-faire immuable dont le secret réside dans la transmission par des femmes et hommes, hautement qualifiés, des techniques et des gestes aux futures générations de l’atelier. Il y a ici quelque chose de l’ordre de la filiation, une recherche d’excellence et de la préservation du patrimoine, un savoir-faire construit au fil du temps, faisant perdurer ainsi, un artisanat intemporel.
Il est probable que nous soyons les seuls en France, voire en Europe, à utiliser des métiers anciens à navettes Diederichs pour réaliser nos tissages. Ces métiers rares produisent une lisière continue qui garantit la solidité et une finition raffinée de nos toiles rayées, que seule Les Toiles du Soleil, est encore capable de proposer.
Une manufacture engagée sur son territoire
Depuis plus de 150 ans, la société Les Toiles du Soleil développe son activité au cœur du pays catalan, contribuant ainsi au développement économique et social du territoire. Nous sommes fiers de jouer un rôle majeur dans la préservation des savoir-faire et des compétences liés à nos métiers rares et à la création d’emplois dans le bassin du Haut-Vallespir.
En tant qu'entreprise responsable, nous avons également mis en place des partenariats avec des acteurs locaux pour promouvoir l'artisanat et la culture locale.
Chez Les Toiles du Soleil, nous sommes convaincus que notre rôle ne se limite pas à la production de toiles de qualité exceptionnelle. Nous sommes engagés dans une démarche de développement durable, privilégiant les matières premières naturelles et veillant à la haute-qualité de nos produits, conçus pour durer dans le temps…».
Au départ de Toiles du Soleil ce fut la création de la fabrique Sans & Garderie en 1897. Déjà, depuis 1860 l’industrie de la chaussure était présente dans la région. Donc dans cette manufacture, plus de 300 ouvriers tressaient la corde et tissaient la toile dont on fait les espadrilles. La matière première (jute, chanvre, coton, lin) arrivait sous forme brute et était entièrement transformée sur place. Le début du vingtième siècle marqua l’âge d’or de l’industrie sandalière. Très vite sa réussite formidable liée à des savoir-faire ancestraux uniques et au progrès des machines permirent de dominer l’artisanat sandalier dans toute la Catalogne, et bien au-delà. La grande tradition des toiles catalanes était née. Le linge catalan avait désormais acquis ses lettres de noblesse.
La fabrique Sans & Garcerie fut reprise et rebaptisée Les Toiles Du Soleil par Françoise et Henri Quinta, tous deux catalans d'origine, qui rachètent l'usine en 1993…
En 1997 Les Toiles Du Soleil sont labellisée Entreprise Française du Patrimoine Vivant
En 2023 l'entreprise est rachetée par JCST Holding. Sous la houlette d’un duo d’entrepreneurs, Stéphane Torck et Jean-Christophe Astruc, Les Toiles du Soleil entre dans une nouvelle ère. Passionnés d’art de vivre et d’artisanat et convaincus du potentiel de la manufacture, Les Toiles du Soleil rejoint AT Groupe (JCST HOLDING). Ce rachat lui permet ainsi de bénéficier d’une plateforme de compétences et de moyens, lui permettant d’affronter les nouveaux défis qui s’offrent aux artisans de Saint Laurent de Cerdans, comme la transition digitale et développement des toiles à l’International…
Après la toile, les fabriques d’espadrilles !
En effet, quelques centaines de mètres plus loin nous passons devant un grand bâtiment « l’Union Sandalière ». Il abrite aujourd’hui une fabrique "Création Catalane" et le musée d'art et traditions populaires avec une grande salle consacrée à l'industrie… De l'espadrille et de sa variante la vigatane !
La vigatane étant une espadrille qui se fixe par des rubans à la cheville.
Avec la reconstitution d'une usine de 1929. Il abrite également une salle consacrée à la « Retirada », l’exode des espagnols républicains en 1939. Dans le même bâtiment se trouve l'office du tourisme et un petit cinéma.
« Création Catalane créée en février 2008, dernier Artisan au savoir-faire unique hérité du passé industriel de Saint Laurent de Cerdans surnommée Capitale de l’espadrille au XIXème siècle avec ses 20 entreprises, ses 400 sandaliers et ses 10 000 paires quotidiennement. Aujourd’hui, l'atelier de Création Catalane avec ses 7 salariés, reste la dernière entreprise du haut Vallespir en activité et s'évertue à préserver et à transmettre ce savoir-faire.
Toutes nos espadrilles sont entièrement fabriquées dans notre atelier : une production 100 % française. Nos artisans sont les seuls au monde à fabriquer les espadrilles avec la technique ancestrale spécifique dite du « petit point » introduite dans la cité industrielle de Saint Laurent de Cerdans dans les années 1900. Si, les gestes restent identiques à ceux de nos aïeux, le côté industriel a cédé sa place à l’Artisanat. Un artisanat de qualité qui s'exporte aux quatre coins du monde notamment des partenariats avec maison GYI Manufacture du grenat Opéra de Paris.».
Nous reviendrons dans ce village un peu «perdu» pour voir de plus près ces fabriques…
Pour le moment nous repartons et nous arrivons à Coustouges.
Le petit village de Coustouges fut à l'origine un poste de garde, c'était à l'époque romaine. Il est posé au sommet d'un col qui est la voie de passage entre la France et l'Espagne.
D’ailleurs le nom de Coustouges provient du latin Custodia, qui désignait soit un poste de garde, soit une mission de surveillance. Un lieu-dit proche se nomme La Guarda. La position stratégique du village confirme cette étymologie...
Les habitants de ce village connaitront de tous temps les aléas des nombreuses guerres et invasions et verront passer dans leurs ruelles les populations déplacées au cours de ces tragiques évènements.
L'épisode le plus récent étant la "retirada" qui vit les républicains espagnols combattant le franquisme en Espagne venir par milliers se réfugier en France…
Le village compte maintenant moins de 100 habitants alors qu’en 1846 il y en avait plus de 600…
Nous ne faisons que passer mais ce petit village mérite une visite afin de découvrir :
Les noms des rues et leur poésie…
Le granite de Coustouges… Cristallisé dans des miaroles, très rare phénomène dans le monde…
Les ermites de Coustouges et leurs "capelletes"…
Par ailleurs peut-être y croiserons-nous une des célébrités qui aiment le village…
En attendant de revenir à Coustouges nous partons pour son col.
Bien connu des cyclistes et des contrebandiers, même si ces derniers connaissent quantité de sentiers parallèles, le col est à moins de 2 km de l’Espagne par la route D3…
Il est l’aboutissement d’une longue montée progressive de 13,7 km depuis Saint Martin de Cerdans.
Son altitude est de 824 mètres ce qui fait un dénivelé positif de 490 mètres environ, soit un dénivelé moyen de 3,6 % avec un maximum à 6,3 %.
La route est sympa mais toujours ventée !
Nous faisons quelques photos et nous continuons pour passer la frontière…
Fin de l’épisode !