Après Saint Amand Montrond et l’abbaye de Noirlac nous suivons la D2144 puis la D35 pour trouver les Centres de la France...
Car il y en a plusieurs !
À priori le centre de la France est simplement le point constituant le centre géographique de la France.
Mais à défaut de détermination officielle, il peut correspondre à plusieurs interprétations...
Pour Jules César, le centre de la Gaule est situé sur la frontière du territoire des Carnutes, là où se réunissaient les druides... Ce lieu était peut-être situé près de l'actuelle abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire dans le Loiret.
Aux XIVème et XVème siècles, les avis divergent : certains affirment que le centre est Chartres, d'autres, comme Jean de Jandun, qu'il s'agit de Paris.
Dans la seconde moitié du XVIème siècle et la première moitié du XVIIème siècle, sur certaines cartes de France, un arbre apparaît, un orme, tantôt avec la mention « cet arbre touche les frontières de quatre provinces adjacentes » c'est-à-dire l'Auvergne, le Berry, le Bourbonnais et le Limousin, et tantôt comme « arbre au centre de la France ».
Charles Estienne dans son Guide des chemins de France de 1552 indique que cet orme se trouve sur la route d'Orléans à Toulouse, Graham Robb, en 2022, situe l'arbre avec précision à côté de la chapelle Saint-Paul.
Dans la Topographia Galliæ par Martin Zeiller, éditée en 1656, cet arbre frontière est situé entre un village nommé la Maison Neuve (probablement la Grande Maison Neuve à Issoudun-Létrieix et Argenton-sur-Creuse.
En 1643, dans L'Ulysse Français, l'abbé Louis Coulon décrit un tilleul commun planté devant le Palais Jacques-Cœur, à Bourges, qui marque le centre de la France.
Nous nous rapprochons de là où nous allons arriver...
Plusieurs villages du Berry prétendent être situés au centre géographique de la France. Mais dans cette guerre des communes, qui a raison ?
N'en déplaise aux Parisiens qui aiment se croire au centre de la France, ce sont pas moins de huit villages dans le Berry, une province historique de la France de l'Ancien Régime, qui revendiquent leur statut de centre géographique de l'Hexagone.
Comment expliquer cela ? Etant donné que notre territoire a été modifié au fil du temps, le centre névralgique de la France a été calculé à chaque fois différemment.
En effet, quand certains calculs prennent en compte le territoire français dans son ensemble avec les DOM-TOM, d'autres se contentent de la France métropolitaine incluant la Corse, ou seulement de la France continentale excluant la Corse, sans parler des calculs qui prennent en compte le volume des montagnes, des lacs ou des étangs.
Découvrez la liste des 8 prétendants au titre ci-dessous :
Bruère-Allichamps dans le Cher serait le centre de la France selon les calculs du géographe Adolphe Joanne (1813-1881), sur la base du méridien de Paris, mais ne tient pas compte de la Corse.
Saint-Amand-Montrond dans le Cher, est le centre selon un calcul réalisé à partir des points les plus au sud, nord, ouest et est de la France continentale à la fin du XIXe siècle.
Farges-Allichamps dans le Cher est auto-proclamé centre via son aire de repos Centre de la France de l'autoroute A71. Nous allons y aller également !
Saulzais-le-Potier dans le Cher a érigé une stèle en 1968, surmontée d'un drapeau et qui contient une lettre plastifiée affirmant que le village est le centre névralgique du pays, selon le calcul de l'abbé Moreux.
Vesdun dans le Cher serait le centre de la France selon la méthode qui consiste à fixer un centre pour chaque commune (sans la Corse) puis à déterminer le barycentre des 36 500 centres trouvés, associés d'un coefficient égal à la superficie de la commune. Ce calcul a ensuite été vérifié par l'IGN en 1993, en prenant en compte la courbure de la Terre, toujours sans la Corse.
Chazemais dans l'Allier a été désigné centre de la France par le premier calcul de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN).
Nassigny dans l'Allier bénéficie d'un calcul effectué par l'IGN en 1993, en prenant en compte la courbure de la Terre et en incluant la Corse.
Huriel dans l'Allier est cité comme centre de la France en tant que chef-lieu du canton où figurent Chazemais et Nassigny, et dont la commune de Vesdun est limitrophe.
Pour nous, le véritable centre est celui de Bruère Allichamps !
C’est le plus « historique » et c’est la plus ancienne mention de centre de la France. Il se trouve à Bruère-Allichamps donc ici, dans le département du Cher en région Centre-Val de Loire.
Et parfaitement signalé par une borne romaine du IIIème siècle qui trône au centre de la commune, installée par le duc de Béthune-Charost en 1799, où un texte indique que "la tradition désigne ce monument comme le centre de la France".
De plus cette affirmation a été vérifiée en 1869 par le géographe Adolphe Joanne. En 1976, ce centre de la France apparaît même au cinéma dans la scène d'ouverture de L'Argent de poche de François Truffaut (1976). Mais plusieurs communes arguent que les frontières ont depuis évolué, et elles n'ont pas tort...
Fort de cette analyse nous commençons par celui qui se trouve à Bruère Allichamps.
Nous trouvons facilement la stèle, ancienne borne Miliaire romaine reconverti en sarcophage et installée depuis 1799 au croisement des actuelles D2144, la route de Bourges et la D92, rue Jean Rameau.
Nous en faisons le tour puis nous enchainons avec le point figuré par l’aire sur l’autoroute.
On y accède par de petites routes en suivant les panneaux « Pavillon du Centre de la France...
Nous traversons le village de Farges Allichamps, nous passons devant la Mairie qui n’a pas changée depuis plus d’un siècle... Et nous arrivons à destination.
Nous stoppons au pied d’une grande antenne. Un petit parking permet de stationner.
Nous pouvons entrer sur l’aire de service de l’autoroute par un portillon.
Ce fut une petite déception car l’aire est moche, comme la plupart des aires d’autoroute et rien ne matérialise le point central...
Une simple plaque pour l’inauguration du bâtiment est posée sur un des murs d’entrée de la boutique.
Nous avons tout de même découvert des biscuits « Saveur du Marais » dans la boutique !
Pas terriblement appétissant comme intitulé de saveur...
Une fois notre (rapide) tour du site nous repartons vers Bruère Allichamps.
Sur le chemin du retour nous remarquons un joli château.
"La Commanderie du Château de Farges a été érigée il y a presque 1000 ans, au 11ème siècle, les chevaliers templiers y sont restés presque 180 ans, puis un comte et sa famille de 1520 à 2000, puis un hôtel jusqu'à 2007 avant d'être abandonné. Ce château a été racheté en 2021 et sa restauration entreprise afin de créer des gites.
La partie Commanderie Templière est en cours de restauration, en conservant au maximum la distribution originale qui a été préservée. Les visiteurs pourront découvrir ou vivaient les chevaliers, dormir dans leurs chambres... Un voyage dans le temps assuré... ».
Nous repassons au-dessus de l’autoroute, puis du Cher et nous arrivons à Bruère Allichamps.
La borne milliaire transformée en point central de la France est toujours là...
Nous en sommes convaincus, c’est le vrai et l’unique Centre de la France !
Une collection de cartes postales ancienne le confirme.
Par ailleurs, lors de nos recherches sur ce point central mystérieux nous sommes tombés sur des cartes postales anciennes évoquant la société des Bigophones de Bruère Allichamps...
Ce sont les 2 dernières cartes postales en fin de cet article.
Cela mérite quelques explications...
Le bigophone ou bigotphone est un instrument de musique carnavalesque, un mirliton déguisé, d'aspect décoratif, bruyant, populaire, bon marché et facile à fabriquer.
Le bigophone tire son nom de Romain François Bigo (né le 4 mai 1835 à Saint-Nicolas-de-Port, mort le 16 janvier 1903 à Paris 3ème), « marchand de trompes à bouquins sur les champs de foire ». Nom auquel est ajouté le suffixe grec -phone, voix.
Le bigophone est aujourd'hui tombé dans l'oubli, le mot n'évoquant plus qu'une désignation familière du téléphone pour la plupart des gens. « Bigophoner » signifie alors téléphoner, et « bigophonique » prend le sens de téléphonique, le mot « bigophone » étant même contracté en « bigo ». Le son nasillard des voix dans les premiers téléphones rappelant le son des bigophones musicaux, le mot « bigophone » commence très tôt à être utilisé familièrement pour désigner le téléphone.
Résumé de l'histoire du bigophone
Cette invention est liée au Carnaval de Paris. En effet, Romain François Bigot exerce comme profession la vente de cornets à bouquin sur les champs de foire, un instrument de musique alors très prisé au moment de cette fête. L'inventeur se fera vite le très efficace propagateur de son invention. Initialement, le bigophone est inventé pour le comique Bienfait, qui chante « Méli-Mélo » au Ba-Ta-Clan. Pour son invention, Bigot s'est inspiré du mirliton, qu'il a perfectionné.
L'usage du bigophone va être, durant plus de cinquante ans, extrêmement répandu en France et Belgique. Dans ces deux pays, des goguettes, par centaines, s'organisent en fanfares de bigophones appelées « sociétés bigophoniques », « fanfares de bigophones », « bigophones » ou simplement « fanfares » sans autres précisions
Chaque fanfare a son costume caractéristique, qui peut être comique.
Les bigophones se trouvent dans les magasins d'instruments de musique. Certains magasins vendent des assortiments complets de douze instruments pour former des fanfares. Il arrive aussi qu'on les fabrique soi-même, car ils sont très faciles à fabriquer.
Les fanfares de bigophones se produisent joyeusement un peu partout, dans les petites comme dans les grandes occasions, dans les petites comme dans les grandes villes.
Le bigophone paraît avoir eu rapidement une diffusion internationale :
Dès 1886, il est vendu à Saint-Pétersbourg, comme l'atteste une publicité parue dans un journal russe.
En 1887 et 1889, dans un quotidien d'Amsterdam paraît une publicité pour des "bigotphones" d'importation fabriqués en Allemagne. La fabrication des bigotphones et leur diffusion en Allemagne durent jusque vers 1930. Ils sont aujourd'hui oubliés dans ce pays.
La renommée du bigotphone atteint la Nouvelle-Zélande, où le Nelson Evening Mail lui consacre un article le 6 septembre 1887.
En 1888, les bigotphones arrivent à Hawaï.
En 1892, des bigotphones sont vendus à Vienne en Autriche-Hongrieet en Suède. Dans ce dernier pays, ils le sont en qualité de : skämtinstrument för Julkarnevalen, instruments comiques pour le Carnaval de Noël.
En 1903, à Perth, en Australie, existe un orchestre de bigotphones.
Aux États-Unis ont prospéré à partir de 1896 et durant des dizaines d'années plusieurs équivalents du bigophone : le zobo, le songophone, le sonophoneet le vocophone. Des bigophones sont également vendus aux États-Unis. Et des zobos se trouvent vendus à Londres en 1896. Le lancement du vocophone est postérieur au zobo. Son brevet a été déposé le 11 décembre 1900.
Pour rythmer la musique, des percussions, grosse caisse et cymbales, sont utilisées pour accompagner les bigophones et jouent un rôle important. La grosse caisse et les cymbales sont régulièrement présentes sur les photos de groupes des sociétés bigophoniques. Pour suivre les airs, le percussionniste chante tout en jouant de ses instruments.
Les fanfares de bigophones peuvent faire appel à d'autres instruments classiques : bugle, clarinette, etc.
Autre rencontre entre instruments classiques et bigophones : le 16 décembre 1934 à Niort, l'orchestre des officiers de Saint-Maixent qui accompagne le bal de la fête au profit du préventorium local, offre vers 21 heures un intermède comique en troquant ses instruments contre des bigophones.
Des compositeurs se spécialisent pour créer des arrangements de musique pour bigophones. Chaque morceau comprend quatre parties, pour quatre voix. Il existe même des morceaux composés directement pour le bigophone, comme l'Hymne bigophonique de la Brême, écrit pour la fanfare de la Brême Bigophonique de Bourré.
Excepté dans quelques villes, comme Châtellerault, Rurange-lès-Thionville ou Le Luc, le bigophone est aujourd'hui bien oublié par le grand public. Le mot lui-même n'évoquant souvent plus pour lui que le téléphone.
Sont découverts sur Internet des traces du bigophone et des ensembles bigophoniques, mais la plupart de celles-ci ne font guère penser à l'ampleur de la splendeur passée de cet instrument...
Il faut savoir qu’en 1898, il avait des milliers de sociétés bigophoniques en France dont quatre cents à Paris. La plupart ont disparu depuis sans laisser de traces...
Pour les curieux où les nostalgiques voici un exemple de ce que peut donner ce redoutable instrument :
Pour écouter l'hymne des bigotphones cliquez ici !
Bonne écoute !
Maintenant nous pouvons poursuivre notre route... En musique !