Nous sommes toujours sur la N260 et nous traversons Portbou.
Étymologiquement «Portbou» signifie «port de pêcheurs». C’est la dernière commune d’Espagne dont la limite nord est la frontière avec la France.
Aujourd’hui elle a un petit millier d’habitants mais c’était 4 000 dans les années 1930...
Une des dates les plus importantes de l'histoire de Portbou est sans doute 1872, année de l'inauguration de la voie ferrée. La douane s'établit dans la ville, entraînant une augmentation importante de la population portbouenque. En 1885, Portbou devient la capitale du district de Colera, dont il se sépare en 1934 pour former une commune à part entière.
La gare de Portbou constitue toujours un relais important dans le transit ferroviaire entre la France et l'Espagne.
Portbou abrite également un port de plaisance de 297 anneaux, inauguré en 2002. Mais paradoxalement plus aucun bateau de pêche...
Le village traversé nous entamons la montée vers le coll dels Belitres.
C’est une belle route avec de belles vues sur la mer, la baie de Portbou, et le village.
Nous apercevons également l’antenne du « repetidor» UHF pour les chaînes de télévision.
Puis nous passons devant la station-service, la «benzinera CEPSA» et nous nous engageons dans le dernier virage, une sorte de défilé.
Nous débouchons sur l’ancien poste de douane espagnol, une drôle de construction dans un style de château fort médiéval ! Il est fermé...
Nous voilà maintenant devant une stèle bien taguée...
Sur cette stèle, en 3 langues, le texte suivant :
«Hommage aux 100 000 hommes, femmes, enfants, Républicains espagnols et Internationalistes qui ont dû prendre le chemin de l’exil après 3 ans de guerre contre le franquisme. Ils ont franchi cette frontière de Portbou-Cerbère en février 1939 et furent les précurseurs de la lutte antifasciste en Europe.».
Quelques mètres avant nous venons de passer le col, et donc nous voilà en France.
Il n’y a pas de panneau particulier mais le col est bien là, délimitant la frontière. Le coll dels Belitres, parfois mentionné col des Balistres, est situé exactement sur la frontière franco-espagnole. Il s'élève à 164 ou 165 m d'altitude.
Coll signifie « col » en catalan. Le mot belitre, dans cette même langue, désigne un gueux, un voleur, comme le mot français vieilli «bélître». Le coll dels Belitres désigne le col par lequel s'enfuyaient les voleurs et les contrebandiers, nombreux dans cette région montagneuse et frontalière...
C’est également par ce col que purent sortir de l’Espagne franquiste des milliers d’espagnols. Un monument plus récent que la stèle est d’ailleurs situé sur la gauche de la stèle.
C'est donc ici qu'a été installé un ensemble monumental, le Mémorial de l'Exil, en hommage aux milliers de républicains qui ont pris le chemin de l'exil. Signalons une collection de photos du peintre Manuel Moros sur la Retirada, prises en février 1939.
Nous en avons déjà parlé dans un article précédent.
La retirada, « retraite » en catalan, ou l’exode des républicains espagnols.
En 1936 débute la guerre civile espagnole initiée par les partisans du général Franco contre la deuxième république.
La chute de Barcelone en 1939 entraina l’exode d’environ 500 000 personnes qui fuirent le franquisme pour trouver asile en France franchissant la frontière des Pyrénées dans des conditions extrêmes.
Le col des bélitres situé au-dessus de Cerbère était un des principaux points de passage de ces réfugiés durant l’hiver 39.
Cet exode se fait dans des conditions particulièrement difficiles : exténués après trois années de privation et partis à la hâte dans le dénuement le plus complet, ils affrontent le froid, la neige, les bombardements de l’aviation franquiste sur les routes.
L’accueil en France est plus que mitigé, la France de 1939 qui souffre de la crise économique est en proie à des sentiments xénophobes. Dès 1938, le gouvernement Daladier édicte plusieurs décrets lois prévoyant l’internement administratif des étrangers «indésirables».
Les espagnols seront les premiers à en subir les répercussions. De plus les autorités françaises ne s’attendaient pas à un tel afflux de population entrainant le déploiement des troupes militaires aux points de passage. Les troupes républicaines sont désarmées et tous les réfugiés sont fouillés. Les premiers arrivants seront envoyés dans les camps d’internement ou «camps de concentration» à même le sable : Argelès-surMer, Saint Cyprien, Le Barcarès et le camp de Rivesaltes. Les conditions de vie précaires, le froid intense, le manque d’eau, de nourriture et d’hygiène entraineront de terribles épidémies. Des baraquements très précaires seront construits par la suite...
Nous arrivons maintenant devant le poste frontière français.
Il est épouvantablement tagué... Drôle d’impression et drôle d’image que cette entrée en France donne au visiteur...
Mais il n’a pas toujours été ainsi... Au cours des années les constructions ont augmentées et suivant les époques le passage «administratif» fut plus ou moins simple...
L’espace Schengen a fait disparaitre les contrôles et les postes frontières...
Signés en 1985, les accords de Schengen entrent en application le 26 mars 1995. Ils suppriment les contrôles aux frontières communes des sept États signataires et instaurent la libre circulation des personnes.
Et visiblement du côté français tout a été complètement abandonné...
Nous passons et descendons sur la ville de Cerbère, la route est maintenant la D 940.
Petit demi-tour dans Cerbère, dont nous reparlerons car nous voulons approfondir le sujet des transbordeuses d’oranges...
Et nous remontons à la frontière par la D 914. Nous remarquons l’ancien panneau Michelin de béton et lave émaillée, qui fut posé le 11 juillet 1958 !
Le cartouche indiquant N 114, indique que c’était la route Nationale 114, une alternative à la Nationale 9 pour aller en Espagne à partir de Perpignan. La RN 9 partait vers le Perthus et la RN 114 vers Cerbère.
Nous montons vers le col des Belitres. Par rapport aux anciennes photos le dernier virage de France a bien changé !
Nous repassons devant les bâtiments français. Et rentrons à nouveau en Espagne, le temps de quelques photos au niveau de la station-service. Le panorama sur la N 260 et Portbou est superbe.
Demi-tour, repassage de la frontière, passage devant le cap Cerbere, et traversée de Cerbère, puis sur la lancée la route de la Côte Vermeille, entre vignoble et mer Méditerranée.
Nous finissons la route en remontant au plus proche de la mer, jusqu’à Montpellier...
Pour terminer cet article vous trouverez une série de cartes postales anciennes qui retracent le paysage de la frontière...