Pradines, le hameau disparu et les dessous du lac...

Nous n’avons pas de photo de l’emplacement de Pradines actuel car nous n’avons pas eu le temps d’aller sur place. En effet les routes d’accès par l’est sont interdites, et la route d’accès ouest est sous l’eau !

Mais le plus étonnant c’est que ces routes sont accessibles à certains, en quad !?

Mais revenons à Pradines.

L’histoire de Pradines est longue et courte à la fois...

Dans son article « Le développement topographique de Clermont-l'Hérault » dans les Annales du Midi paru en 1960  Gaston Combarnous évoque le début de Pradines. Dans les environ du hameau des tombes et des tessons de poterie gallo-romaine furent retrouvés... Ensuite le hameau grandit un peu pour devenir un hameau typique interarchitectural du XVème siècle...

Lors du projet de création du barrage ce hameau faisait partie des 3 sites habités importants destinés à passer sous l’eau...

Lorsque, finalement, on s’aperçut que ces 3 sites ne seraient pas noyés les habitants de Celles entamèrent un long combat pour récupérer leur village... Qui ne leur appartenait plus puisque exproprié... Toutes les terres jusqu’à la cote 150 étant devenues propriété du département...

Mais pour Pradines ce ne fut pas le cas... Il semblerait que les rares habitants aient abandonné leurs maisons dont ils avaient été expulsés pour ne plus revenir...

Les bâtiments se dégradèrent peu à peu...

Finalement les pouvoirs publics décidèrent de raser ce qu’il restait...

Un intéressant point de vue sur cette démolition est donné par Armelle FAURE, anthropologue, docteur EHESS, auteur de « 100 témoignages oraux des cinq grands barrages de la Dordogne », et qui a évoqué le sort de Pradines au cours de sa conférence « Lac du Salagou, lac de Naussac : Mémoires des dernières vallées englouties d’Occitanie. Comparaisons au XXème siècle en France et à travers le monde. ».

Voici son avis sur la destruction de Pradines

« Pendant ma co-résidence d’anthropologue avec des artistes à la Maison du Banquet de Lagrasse, en 2018-2019 en Occitanie, nous avons planché sur le thème « En ruines ». Parmi les résultats de ma recherche, j’ai pu observer que les autorités n’aiment pas les ruines. Ce qui est vrai en France, en Occitanie, est vrai aussi ailleurs dans le monde. Les ruines dérangent les pouvoirs publics, qui préfèrent les raser pour des raisons de sécurité, et aussi pour effacer les traces de souvenirs qu’elles peuvent représenter lorsque les populations ont été déplacées sous la contrainte. Ce destin tragique a été imposé à un hameau du Salagou, Pradines resté en ruines après la construction du barrage. Le droit de raser les ruines a été donné en 1986 pour le tournage du film Zone Rouge.».

Et c’est ce qui est arrivé, voici un extrait du passionnant document «  Les Livrets du Clermontais » titré « Le lac du Salagou ou le majestueux destin d’une rivière qui coule la nuit et s’évapore le jour... ».

« 3/ L’arasement des bâtiments en ruines – Il s’agit de la démolition des bâtiments en ruines des hameaux des Vailhès et de Pradines. Cette mesure est rendue indispensable par l’état de délabrement des constructions et la nécessité, pour le département, de dégager sa responsabilité. En effet, les ruines ne sont pas assurables et la collectivité doit éviter de prendre des risques en préservant les populations qui parcourent les lieux. Cette décision est prise par l’assemblée départementale du 12 mars 1984. Ces travaux de démolition s’effectuent sous le contrôle du Conseil d’Architecture d’Urbanisme et d’Environnement rural au cours des années 1985, pour Les Vailhès, et 1986 pour Pradines. ».

Donc le site du hameau est devenu un terrain vague où la nature reprend ses droits, dissimulant quelques rares traces de construction sous la végétation, un four, quelques bouts de murs...

Le pont de Pradines

A partir de la Nationale 9 une petite route partait pour Pradines, la D156E.

Sur son parcours un grand pont avait été construit pour « enjamber » le Salagou. Il comportait 5 arches. Si lorsque l’on doit réaliser un pont il est possible d’économiser une arche, ici 20% du projet, on le fait !

Donc s’il y avait 5 arches c’est que la rivière Salagou devait effectivement se transformer en un cours d’eau suffisamment important pour devoir prévoir un tel ouvrage d’art...

La vallée du Salagou devant Pradines était une belle vallée si l’on en croit les photos d’avant le lac, dont certaines en couleur...

Aujourd’hui le pont est largement sous l’eau. D’après les pêcheurs qui utilisent des sondeurs le bas du pont est à moins 35 mètres et le tablier à moins 27 mètres...

Finalement qu’y a-t-il sous le Salagou ?

Selon notre estimation, en étudiant cartes et documents d’avant la mise en eau on peut dénombrer ce qui suit mais si vous voulez corriger ou compléter envoyez-nous un message en commentaire :

• Plus de 10,50 km de routes, Nationale 9 (presque 4 km), D148, D156, et leurs panneaux de signalisation, leurs bornes kilométriques !
• Plusieurs petits ponts dont 4 comportant plusieurs arches, celui au sud de la Nationale 9, celui au milieu de la Nationale 9, le pont de Pradines, le pont de Salasc
• Quelques maisons au sud de Celles, dont le « Château » de Celles
• Quelques fermes,  la ferme de Cabanès, la grange Philippe, la laiterie du Poujol de Celles qui fabriquait du fromage qui était ensuite affiné à Roquefort
• Des vignes, les meilleures car sur un bon sol de fond de vallée, des oliviers, des arbres fruitiers, des champs, multitudes de petits ruisseaux
• Des capitelles, une capitelle est une cabane en pierre sèche, c’est-à-dire sans mortier, servant autrefois d'abri temporaire à de petits propriétaires, à leurs outils et à leurs produits agricoles...
• Des mazets, même fonction que les capitelles mais réalisés en maçonnerie...

Il faut noter que les vignes ne furent pas arrachées et donc que les ceps persistent, verticaux, au fond du lac... Même chose pour les arbres, notamment les cyprès ou peupliers qui bordaient le Salagou et qui sont longtemps restés visibles... Ils le sont encore  50 ans après...

Des constructions sont encore debouts, sous l’eau, car pas de dynamitage systématique comme cela s’est fait dans les Alpes par exemple. Quelques démolitions furent volontaires avant la mise en eau...

Les pécheurs sont bien au courant des reliques dormant au fond du lac...

A ce sujet il faut signaler que la pratique de la pêche est autorisée sur le lac. Les principales espèces sont la carpe, le brochet, le silure sans oublier la truite.

L’engouement pour le lac et la prise de poissons records est toujours vif... Le visionnage de certaines vidéos montre des poissons de tailles impressionnantes...

Mais pour nous la pêche n’est pas à l’ordre du jour, nous regagnons Z pour aller voir de plus près le barrage du Salagou...

Fin de cet épisode 11 !