Il faut dire que nous connaissons déjà Vannes. C’est une jolie ville fortifiée dont la vieille ville se caractérise par d'étroites rues pavées et des portes médiévales.
C’est aussi une cité d’importance puisque elle compte 55 000 habitants et qu’avec sa communauté d’agglomération on atteint les 175 000 habitants... C’est la 2ème ville du Morbihan, après Lorient.
Donc beaucoup de circulation...
Contraste avec le calme de Saint Armel, nous rejoignons la D780.
Nous prenons alors la N165-E60, une autoroute un peu encombrée...
Nous la continuons jusqu’à la sortie n°32 pour Locmariaquer, il nous a fallu une petite demi-heure.
Il nous reste une douzaine de kilomètres où nous retrouvons le calme et une route, la D28, très tranquille.
De la D28 nous enchainons sur la D781, toute aussi tranquille, puis à l’entrée de Locmariaquer nous prenons la Voie des Mégalithes.
Et nous tombons directement sur le site que nous voulions voir...
Mais auparavant quelques infos et un petit lexique !
La Bretagne a un patrimoine mégalithique d’exception, en cours d’inscription à l’UNESCO.
« Chaque recoin de la Bretagne vous invite à découvrir les vestiges d’une autre époque. Du nord au sud, plus de 550 sites mégalithiques n’attendent qu’à être explorés...
De toutes les formes et toutes les hauteurs, les menhirs de Bretagne impressionnent... ».
La presqu'île de Locmariaquer où nous sommes rassemble la quintessence de l'art mégalithique armoricain.
Cette langue de terre s'allonge sur 6 km de long et 2 à 3 km de large pour fermer à l'ouest le Golfe du Morbihan et constituer la rive droite de la profonde ria de la Rivière d'Auray.
Sur l'actuel territoire communal se trouvent une douzaine de monuments mégalithiques importants dont sept au moins sont des sites majeurs.
Nous avons prévu d’en voir 4 :
Nous arrivons devant le site Mégalithique d’Er Grah qui regroupe les 3 premiers : le Grand menhir brisé, le tumulus d'Er Grah et le Dolmen dit Table-des-Marchands.
Vu l’heure tardive l’accès officiel est fermé, nous visitons le site de l’extérieur. Détaillons un peu les 3 monuments. C’est sommaire mais la documentation sur ces sites est pléthorique, donc facile d’approfondir le sujet si vous le souhaitez.
Ce menhir, dont l'érection remonterait au milieu du Ve millénaire av. J.-C., est aujourd’hui à terre et brisé en quatre fragments. Ses dimensions exceptionnelles en font le plus grand d'Europe.
La plus ancienne représentation connue du menhir figure dans l'ouvrage du président Robien, Histoire ancienne et naturelle de la province de Bretagne, rédigé en 1753-1755 : le menhir est représenté au sol brisé en quatre morceaux avec les mégalithes voisins de la Table des Marchands et du tumulus d'Er Grah.
En 1837, dans ses Notes d'un voyage dans l'ouest de la France, Prosper Mérimée s'interroge sur les raisons de la chute du menhir. Mérimée constate que le menhir n'était enfoncé que de 3 à 4 pieds dans le sol et que sa base est tournée du côté opposé aux trois autres fragments.
Il note que les habitants lui affirment ne jamais l'avoir vu debout, et que c'est probablement la foudre qui l'aurait détruit dans le courant du XVIIIème siècle.
L’appellation Grand menhir brisé d'Er Grah n'apparaît qu'à la fin du XIXème siècle, sous la plume des archéologues, car auparavant et localement le menhir est appelé Men ar hroëc'h c'est-à-dire « Pierre de la fée » ou plus exactement « Pierre de la vieille femme » en breton.
Vers 1853-1854, il aurait été envisagé de le restaurer. Paul Reveillère proposa de le transporter à Paris et de le redresser place de la Concorde lors de l'exposition universelle de 1900 « comme signe de ralliement de tous les peuples celtes ».
Le menhir gît désormais brisé au sol en quatre fragments. L'ensemble correspond à un bloc fusiforme de 21 m de long, soit le plus grand menhir d'Europe, dont le poids est estimé entre 300 tonnes et 330 tonnes.
Ce menhir est constitué d'un bloc d'orthogneiss, dont les plus proches gisements sont situés à côté de Vannes ou en presqu'île de Rhuys, soit une distance au plus court d'environ 8 à 10 km impliquant de franchir une zone maritime à fort courant...
Étonnant...
Le bloc a été martelé sur toute sa surface, avec des percuteurs en quartz, pour créer des faces homogènes régulières et l'arrête du bloc dans sa partie inférieure a été rendue parfaitement rectiligne.
Le bloc ne présente aucune trace de débitage volontaire. La fragmentation du menhir résulte donc de sa chute mais les raisons de cette chute demeurent hypothétiques bien que de nombreuses hypothèses aient été successivement avancées : impact de la foudre, renversement volontaire à une époque indéterminée (néolithique ou romaine), séisme.
Le menhir comporte sur la face supérieure un décor sculpté en relief désormais en grande partie aplani par l'érosion, représentant une crosse et un second motif interprété, traditionnellement comme le motif dit de la « hache-charrue », et plus récemment par Serge Cassen comme une représentation d'un cétacé (cachalot)...
Le mobilier archéologique céramique et lithique découvert dans les fosses de calage a été attribué à la culture Castellic. Les datations au radiocarbone obtenues sur les couches sédimentaires des fosses voisines de celle du grand menhir ont permis d'estimer la période de construction entre 4600 av. J.-C. et 4300 av. J.-C., donc à priori au Néolithique moyen (4600-4100 av. J.-C.)...
Les fouilles de 1988 ont permis de découvrir 18 autres fosses de calage alignées au nord-est de celle du grand menhir, certaines étant masquées par des éboulis du cairn de la Table des Marchands. Quelques fosses conservaient la base brisée du menhir d'origine. Il semble que l'alignement était composé de blocs de pierres de nature différente disposés par ordre décroissant de hauteur : au-delà du Grand Menhir en orthogneiss, on trouvait ainsi une première série de blocs en migmatite, puis une seconde série de blocs en granite local dit de Carnac. Après fouilles, cet alignement de pierres discontinues a été matérialisé par des empierrements...
Étonnant encore...
Passons au « monument » suivant.
C’est donc un tumulus daté du Néolithique situé sur le même site des mégalithes de Locmariaquer que le Grand menhir brisé d'Er Grah et la Table des Marchands. Ce monument de dimension exceptionnelle est resté méconnu jusqu'aux fouilles de 1991.
Au XIXème siècle, on ne connaissait du tumulus d'Er Grah que sa chambre, bien visible, que l'on compare avec la Table des Marchands voisine mais le tumulus lui-même n'est alors pas clairement identifié par les archéologues...
W. C. Lukis en a bien dressé un croquis vers 1864 mais il comporte des erreurs : la chambre est bien positionnée, mais la largeur du tumulus y est très exagérée.
En 1908, Zacharie Le Rouzic fouille principalement la chambre et explore rapidement les extrémités nord et sud du tumulus. D'après la description donnée par Le Rouzic, l'extrémité nord du tumulus était encore intacte et ce n'est que vers 1933 qu'elle fut exploitée en carrière d'où le nom d'Er Vinglé (« la carrière » en breton) donné à la parcelle cadastrale correspondante.
Le tumulus d'Er Grah fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques le 16 janvier 1935.
Le monument, endommagé et recouvert de végétation, tombe progressivement dans l'oubli. En 1971, la partie sud du tumulus est arasée et transformée en parking !
L'ensemble du site (Grand menhir, tumulus et Table des Marchands) fait l'objet d'une fouille complète entre 1986 et 1994. Le monument, tel qu'on peut le voir aujourd'hui, résulte de la dernière restauration effectuée en 1992.
Le tumulus mesure 140 m de long. Les fouilles ont montré que le tumulus actuel résulte de plusieurs phases de construction et que cette construction avait été précédée d'une activité pré-mégalithique matérialisée par l'existence de plusieurs foyers.
L'orientation du tumulus semble avoir été axée sur le Grand menhir, son extrémité sud venant s'achever à son pied, ce qui laisse entendre qu'il était alors encore debout lors de la construction du tumulus, mais la présence de blocs d'orthogneiss dans le tumulus (dalle de couverture de la chambre, blocs épars dans l'extension) suggère que l'alignement était déjà en cours de démantèlement.
Maintenant passons au 3ième et dernier « monument » du site.
Son nom a beaucoup changé au cours des âges mais avec un point commun : aucun rapport avec des marchands...
Ensuite sa physionomie a considérablement évoluée...
En effet, d’un dolmen comme on les imagine et qui figure sur les gravures et photos anciennes, on est passé à un « tas de cailloux » que l’on peut voir de l’extérieur, le dolmen étant maintenant complètement recouvert.
Déjà dès 1883, des murs sont édifiés autour de la dalle de couverture pour protéger l'intérieur de la chambre du dolmen qui fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques en 1889.
En 1905, G. d'Ault du Mesnil, président de la Commission des monuments mégalithiques, réalise de nouveaux travaux de restauration dans le dolmen. À la demande de l'abbé Breuil et afin de protéger les gravures du monument, la commission des monuments historiques charge Zacharie Le Rouzic de restaurer le monument.
La restauration de Le Rouzic en 1937-1938 consiste à reconstituer un cairn protecteur, réalisation qui déclenche une violente polémique d'abord dans la presse locale, puis dans les sociétés savantes bretonnes avant de gagner Paris où elle finit par opposer la commission des monuments historiques et la sous-commission des monuments préhistoriques sur l'éthique de ces restaurations.
On lui reproche principalement d'avoir modifié la physionomie du dolmen, celle du « dolmen typique » où une majestueuse dalle semble reposer miraculeusement sur ses fragiles piliers.
Dans la période récente l'ensemble du site (Grand Menhir, Table des Marchands, Tumulus d'Er Grah) a fait l'objet d'une campagne de fouilles dirigée par Charles-Tanguy Le Roux (Grand Menhir, Er Grah) et Jean L'Helgouac'h (Table des Marchands) à partir de 1987. À partir d'une extrapolation des éboulis, la restauration de Le Rouzic est remise en cause et une nouvelle restauration du cairn est réalisée en 1991.
À priori ce dolmen aurait été construit entre 4000 et 3900 av. J.-C.
C'est un dolmen à couloir menant à une chambre au centre du cairn circulaire. Dans la chambre, une dalle de grès est ornée d'une idole parée de crosses disposées symétriquement. Le plafond de la chambre est orné d'une grande hache emmanchée, d'une crosse et d'une figure tronquée.
La sépulture a dû être collective, si c’en était une au départ...
Fin de la visite ! Nous étions bien tranquilles puisque nous n’avons vu personne...
Nous retrouvons Z au parking et nous partons voir un 4ième site, les Pierres Plates.
Une route en voie unique nous y conduit entre des champs peuplés de moutons !