C’est d’ailleurs de cet aspect « frigidaire » que le pont et le quartier tirent leur nom...
En effet, au cours du temps le pont de la Frègère fut aussi appelé Frégeaire, ou Frejère ou Frejière, appellation qui vient directement du provençal "eau froide".
Mais commençons par le début.
Najac est donc construit sur un éperon rocheux quasiment à l’intérieur d’une boucle de l’Aveyron.
C’est un élément défensif supplémentaire qui rendait encore plus difficile l’attaque de la ville et du château...
Pour traverser l’Aveyron pas de pont, dans la région proche un seul existait en l’an 1000.
En 1270 le pont Saint Blaise est construit, et aujourd’hui il est encore debout !
Nous irons le voir tout à l’heure et dans le prochain épisode nous vous raconterons un bout de son histoire...
En 1284 les travaux débutent pour le pont de la Frégère, le site où nous sommes.
C’était un pont fortifié et à péage ! Ses 2 tours restèrent en place jusqu’en 1906 !
Nous avons trouvé des éléments intéressants dans les Chroniques de Jean Alègre, grand érudit en histoire locale :
« Son accès originel vient des côtes qui débouchaient place Saint-Barthélemy et à La Pause. C’est donc pour cette raison qu’il part haut. Ses arches sont à 12 mètres. Et il débouchait assez bas vers Mazerolles (oubliez le chemin qui conduit à la gare qui n’existait pas).
En 1793, le chemin fut empierré et remonté pour démarrer la nouvelle côte de Mazerolles. On ne toucha pas les bâtiments d’octroi et de surveillance.
Sa hauteur, exceptionnelle en 1280, n’a été imitée qu’en 1856 avec le chemin de fer. ».
Ce pont était moins large qu’aujourd’hui et ne disposait pas de garde-corps.
Ce sont les accidents qui décidèrent les autorités (3ème République bâtisseuse !!!) à le modifier :
Cet élargissement fut également motivé afin de permettre un accès plus aisé à la gare du chemin de fer toute proche, desservie aussi par la nouvelle route D39E.
La demande de ces travaux est formulée officiellement en 1897 par le Conseil Général de l’Aveyron.
Les travaux furent terminés en 1899.
Il faut dire que depuis 1858 un autre pont traversait l’Aveyron à quelques centaines de mètres à l’est.
On peut le voir aujourd’hui, c’est le pont-rail de la ligne de chemin de fer.
Il sert toujours...
L’an dernier la SNCF Réseaux a rénové ce pont-rail pour un budget de 1,2 millions d’euros...
Une fois le pont traversé nous voyons sur notre gauche une vaste construction. Il s’agit du moulin de la Frégère. Là aussi lisons la Chronique de Jean Alègre.
« En passant le long de la rivière, vous franchissez le grand pont. Le pont de la Frégère. Pas besoin de traduction, Frégère, frigidaire… ici l’hiver fut peu clément.
Mais avant le pont à droite un chemin conduit à une porte monumentale. On pourrait croire qu’il s’agit de l’entrée d’un hôtel particulier. Que nenni ! Vous entrerez ici dans le domaine de la Frégère, dont le fleuron fut le moulin.
Et le moulin qui fut ruiné dans les années 1980 est un des plus anciens moulins de Najac (peut-être le plus ancien).
Le premier pont date de 1270 et le moulin le précéda (avant 1240). Ce moulin fut très réputé dès sa construction. Il appartint aux seigneurs locaux. Guillaume de Bar fit don de ses parts au monastère de Bonnecombe (1240) Gérard de Cadole fit de même à Raymond de Muret (1249).
Si le moulin leur appartenait, ils payaient des meuniers pour y travailler. De nombreux meuniers ont œuvré ici : Maffre, Pause, Montarry, le moulin se trouve sur le principal chemin conduisant de Parisot, donc Toulouse à Najac et débouchant rue Basse.
On fit ici principalement le travail du grain, mais aussi le rouissage du chanvre et du lin et même le travail de peaux (de mouton).
Le moulin fut exploité jusqu’en 1926. A partir de 1900, le propriétaire (Ferrié) obtint un titre d’exploitation de l’eau pour fabriquer de l’électricité.
Ce titre fut très utile car lorsque l’usine Plouvier fut déplacée en 1916 de la Picardie où la guerre faisait rage, elle vint produire ici des boulons pour les chars et plus tard pour les tracteurs.
Elle employa jusqu’à 50 salariés et des najacois naquirent ici jusqu’en 1936.
Puis l’usine partit faute de soutien de la commune et le moulin resta en l’état, érodé par l’eau...
[ Il semblerait que le logo de l'entreprise « boulonneries et forges de Najac, » dont l'usine et les bureaux retournèrent à Daours dans la Somme, resta le château de Najac enfermé dans un cercle...].
Puis monsieur Mazières l’acheta et jusqu’en 1980, il exploita l’électricité.
Malheureusement un incendie ravagea le moulin et la villa d’habitation, les crues firent le reste. Mais le titre d’exploitation étant toujours en vigueur, il fut racheté en l’état par monsieur Phalip qui l’a remis en état et qui compte bien en 2021, exploiter les turbines.
Ah au fait, ce moulin utilise l'eau de la rivière grâce à une chaussée qui date du moyen-âge.
Cette chaussée n'a jamais failli. Elle est construite de la façon suivante :
Ainsi cette chaussée retient 35 000 m3 d'eau permettant de faire fonctionner les turbines afin de produire de l'électricité... » .
Nous faisons quelques photos du pont et de l’Aveyron, notamment des garde-corps sous la glace...
Avant d’aller voir le pont Saint Blaise voici une petite histoire sur le pont de la Frégère, racontée originalement en Occitan, par Michel Marty, né en 1927 à l'Espagnié de Najac...
Gargantua au pont de la Frégère
« Gargantua, un jour, n’avait pas mangé depuis je ne sais combien de jours et il avait tellement faim qu’il se promenait sur la route, un homme passa qui conduisait une charretée de buissons.
Il l’approcha et il lui dit :
“Ça ferait bien mon affaire !”
Il lui dit :
“Comment ? Moi j’en ai besoin pour faire une fournée de pain.
– Mais non, moi je te l’achète.”
Alors Gargantua lui achète la charretée et il avait tellement faim qu’il avala la charretée de buissons d’un seul coup, comme ça.
Il se trouvait sur le pont de la Frégère, là-bas, mais il avait une soif !
Cette charretée de buissons était tellement sèche... Il dit :
“Maintenant il me faut aller boire.”
Eh bien écoutez... Il alla à l’Aveyron et, tant il avait soif, il arrêta l’Aveyron !
Pour vous dire comment il avait soif... »
Et bien nous aussi nous avons soif et faim !
En route pour le pont Saint Blaise où nous allons pique-niquer !