L'Aveyron franchi grâce au pont de la Frégère nous continuons sur la D39.
Il y a toujours beaucoup de givre jusqu’au moment où la route oblique vers le sud. En quelques centaines de mètres nous passons de l’ombre au soleil et le paysage change.
De la D39 nous prenons à droite la D594, juste avant le cimetière.
Le pont Saint Blaise apparait dans un décor sans glace, presque printanier, contrastant avec l’environnement du pont de la Frégère...
Construit au milieu du XIIIème siècle, probablement entre 1259 et 1274, ce pont à dos d’âne permettait aux marchands et aux pèlerins qui se dirigeaient vers Saint-Jacques de Compostelle de franchir l’Aveyron en toutes saisons. Edifié en grés, venant souvent de la colline de Mazerolles, cet ouvrage d’art comportait initialement quatre arches et des avant-becs encore visibles aujourd’hui.
Les textes anciens attestent du voisinage d’une maladrerie disposant d’une chapelle.
Un panneau explicatif a été posé à l’entrée du pont, mais les informations que nous donne Jean Alègre dans ses Chroniques sont bien plus précises :
« Saint-Blaise a été construit dans un esprit digne des bâtisseurs des châteaux-forts. C’est un pont courbe dont les piliers sont pointus en amont et rond en aval, donc adapté aux fortes crues, aux assauts !
Il est assez bas car il n’a pas la pression des grandes crues. En effet il est installé à équidistance de 2 plaines (d’épandage) La Rivière et le Cambou. Les deux seuls larges espaces des gorges najacoises. Sur 20 kms. Ce pont est étroit, moins de 2, 20 m de largeur, il est facilement verrouillé donc surveillé.
Il assurait cependant un passage aisé aux charrois, chevaux et troupeaux. Il servit aussi de moulin mobile. On peut d’ailleurs voir aux basses eaux, les trous d’accrochage des poutres qui permettaient de poser des turbines portatives. (Les moulins mobiles ne payaient pas de taxes). Ces moulins mobiles pouvaient donc travailler en été (contrairement aux moulins à chaussée). ».
Par ailleurs un traité technique précise qu'au début du XIXème, le pont est constitué de 4 arches de moellons en arc, de 5 à 17m d'ouverture, pour une longueur totale de 42m et une largeur de 3m. Un document référencé précise que sa construction était formellement engagée en 1259.
Mais ce pont multiséculaire a récemment défrayé la chronique...
En effet cet ouvrage classé Monument historique depuis 1987, sur lequel passe la RD 594, a été abîmé lors d’une manœuvre militaire à l’automne 2022...
Manticore c’était le nom de ces grandes manœuvres militaires mais qu’est-ce que ça veut dire ?
La manticore est une créature légendaire d'origine persane.
La manticore est le plus souvent décrite comme un monstre ayant le corps d'un lion, généralement rouge sang, la tête d'un homme parfois pourvue de cornes, une triple rangée de dents allant d'une oreille à l'autre, et une queue de scorpion ou de dragon. Elle est parfois dotée d'ailes de chauve-souris.
Cet anthropophage terrifiant pourvu d'une triple rangée de dents fut décrit pour la première fois par le médecin grec Ctésias. La manticore fut abondamment figurée dans les bestiaires médiévaux comme symbole du mal. Elle est de nos jours un motif récurrent de la fantasy...
C’était donc le nom donné à cet important exercice de l’armée Française.
Cet exercice d’entraînement au combat aéroterrestre de haute intensité des unités de l’armée de Terre était auparavant dénommé Baccarat.
Pour cette édition 2022 le nouveau nom accompagna le changement d'échelle de l'exercice avec la participation de 3000 militaires et de 30 hélicoptères de l'Armée de Terre, des forces spéciales de l'armée française, de 4 hélicoptères de l'Armée de Terre espagnole et de Marines américains.
L'exercice Manticore s’est déroulé sur 3 semaines, du 16 septembre au 7 octobre 2022 entre les départements du Tarn, du Lot et de l'Aveyron.
Mais voilà, il est vraisemblable qu’un engin militaire empruntant la D594 et donc l’étroit pont Saint Blaise ait détruit une partie du parapet du pont...
Le « secret défense » couvrant probablement les détails de l’accident ce sont des traces de peinture kaki qui désignèrent le coupable...
Le pont est interdit aux véhicules d’une largeur supérieure à 2,20 mètres...
Donc ce n’est pas large...
D’ailleurs, pour preuve, sur le pont des bouts de phares divers jonchent le sol !
Pour réparer le pont abimé le Conseil Départemental de l’Aveyron commanda des travaux de rénovation du 9 au 26 mai 2023.
Mais voilà le résultat ne fut pas à la hauteur du monument historique...
Un tollé relayé par les médias sociaux entrainant une reprise des travaux plus conformes à une réparation digne d’un monument historique de plus de 700 ans !
Aujourd’hui tout est rentré dans l’ordre et le pont est superbe.
Un cadre idéal pour un pique-nique au soleil...
Puis nous repartîmes pour aller visiter Najac, classé parmi les plus beaux villages de France.
Donc nous reprenons la D594, puis la D39.
Celle-ci prend également le nom de l’avenue de la Gare.
Dans les premiers virages avant d’arriver dans le village commence le quartier de la Pause
Ce quartier constituait une étape de repos sur l’ancienne voie romaine conduisant à Najac en venant du pont Saint- Blaise, ce quartier fut actif par le biais de ses foires jusqu’à la fin du XIXème siècle.
Un hôpital et des auberges permettaient aux pèlerins en route vers Saint-Jacques de Compostelle d’obtenir le gîte et le couvert...
Comme partout, la végétation a bien poussé depuis les vieilles cartes postales que nous aimons intégrer à nos articles.
Voilà le panneau d’entrée en ville, nous entrons dans Najac, fin de l’épisode 5 !